Compagnie des écrivains de Tarn-et-Garonne

En Occitanie, tout est matière à poésie

En Occitanie, tout est matière à Poésie

Des troubadours du Moyen Âge aux poètes d’aujourd’hui, la poésie s’écrit, se lit et se déclame. Elle se diffuse partout, à l’hôpital, en prison, dans les gares ou les cafés, nourrit la chanson, le théâtre ou le cinéma. D’ailleurs, chaque année, la manifestation nationale « Le Printemps des Poètes », créée en 1999 par le ministère de la Culture à l’initiative de Jack Lang, rappelle combien elle est essentielle. Dans notre région d’Occitanie, de nombreux poètes ont marqué leur temps et resteront immortels.

Pour plus de lisibilité nous allons procéder par ordre alphabétique des départements.

1°) Dans l’AUDE, Charles CROS naît en 1842 dans les Corbières et rejoint Paris à l’âge de 2 ans. Il participera plus tard à la fondation du Chat Noir où il invente le monologue mêlant absurde et satire. Il écrit « Le Hareng saur », un petit conte pour enfants, alterne poèmes intimistes, parodies et contes, excelle en tout, et les surréalistes le considèrent comme un précurseur.

2°) Dans l’ARIÈGE, Peyre de RIUS (1344-1386), poète de cour, « trobador de dances » et de « cançons », appartenait à la maison du comte de Foix, Gaston Febus. La bibliothèque de Catalogne conserve un chansonnier et l’un de ses poèmes célébrant les trois passions du comte : les armes, l’amour, la chasse. Ce poète serait l’auteur véritable du « Se canta ».

3°) En AVEYRON, on ne peut oublier Antonin ARTAUD (1896-1948) qui publie ses premiers poèmes inspirés de Baudelaire, Rimbaud, Edgar Poe, à l’âge de 14 ans. En 1914, il est atteint de dépression, est envoyé au sanatorium en 1915 et 1916. C’est en février 1916 qu’il publie des poésies dans La Revue de Hollande. Envoyé au Service militaire, il est réformé. Entre 1917 et 1919, il séjourne dans différents lieux de cure et maisons de santé, peint, dessine, écrit et commence à se droguer avec du laudanum (opium). En 1920, sa famille le confie au directeur de l’asile de Villejuif dont il devient le co-secrétaire pour la rédaction de la revue Demain qui disparaît en 1922. Il s’intéresse au théâtre quand il va quitter Villejuif pour une pension à Passy. Il étudie le mouvement Dada, découvre les œuvres d’André Breton, de Louis Aragon, de Philippe Soupault, rencontre Max Jacob qui l’oriente vers Charles Dullin. Celui-ci l’intègre dans sa compagnie où il joue dans plusieurs pièces, tout en continuant à publier des poèmes. En 1923, il se lance dans le cinéma. Sa véritable entrée en littérature commence en 1924-1925 avec ses premiers contacts avec la nrf et sa correspondance avec Jacques Rivière, publiée en 1924. Il adhère au surréalisme (qu’il quittera en 1925 quand Breton envisage d’adhérer au Parti communiste (français). Il entame alors une carrière de théâtre et de cinéma, puis quitte Dullin pour Georges et Ludmilla Pitoëff à la Comédie des Champs-Èlysées, et enfin fonde le théâtre Alfred-Jarry en 1927. Durant l’année 1936, il est interné dans différents asiles jusqu’en 1946. Dans le dernier hôpital, celui de Rodez, il fut traité par électrochocs, et il décèdera finalement d’un cancer dans une maison de soins en 1948. Il disait : « Tous les vers ont été écrits pour être entendus d’abord, concrétisés par le haut plein des voix […] car ce n’est que hors de la page imprimée ou écrite qu’un vers authentique peut prendre sens et il y faut l’espace du souffle entre la fuite de tous les mots. »

4°) Dans le GARD, Èdith AZAM, née en 1973, renonce à l’enseignement pour vivre dans ses Cévennes natales et se consacrer à l’écriture. « Ma poésie, dit-elle, est un champ dont la terre est toujours retournée, elle est aussi un petit feu autour duquel on peut s’asseoir, au bord de nos chers petits fantômes et leur mémoire ricoche sans cesse. » Elle cherche l’expression libre pour approcher l’énigme du monde. Lire Poèmes en peluches (éd. Le port a jauni). 5 1 2 3 4

5°) Dans le GERS, Jean-Baptiste PEDINI, naît en 1984 à Rodez. Maintenant installé à L’Isle-Jourdain, il trouve son sillon poétique après avoir été émerveillé par le poète Pierre Reverdy qui « avec des mots simples exprimait des choses brutes ». Déjà huit recueils publiés.

6°) En HAUTE-GARONNE, Serge PEY, né en 1950, enseignant à l’université Jean-Jaurès à Toulouse-le-Mirail, manifeste la parole poétique sous toutes ses formes. Il pense que la poésie est politique et se dit à voix haute pour clamer à ceux qui entendent qu’ils doivent se réveiller. C’est un poète visuel, un artiste plasticien qui rédige des textes sur des bâtons avec lesquels il réalise ses « scansions » et ses performances ainsi que des installations qu’il nomme « pièges à infini ». De nombreux lieux ont accueilli ses œuvres. Sa poésie est une poésie d’action qui déplace le poème hors du livre. Elle est liée à un combat pour la libération de l’humanité. Depuis le début des années 1980, on le retrouve chaque lundi à la Cave Poésie de Toulouse dans le cadre d’une université populaire de poésie.

7°) Dans l’HÈRAULT, Pierre TOREILLES (1921-2005) effectue des études de théologie et s’engage comme agent de liaison dans les maquis de Haute-Loire et du Vercors. Après la guerre, il rejoint la librairie Sauramps de son beau-père, à Montpellier, et la dirige jusqu’au début des années 1990 tout en poursuivant une œuvre poétique dense couronnée de nombreux prix. Sa poésie rythmée est souvent composée au cours de marches en montagne.

8°) Dans le LOT, Clément MAROT (1496-1544) naît à Cahors, mais son père, normand, l’initie à la poésie et l’emmène vers Paris et la cour du roi Louis XII où il officie comme historiographe. C’est pour lui un arrachement au pays de l’enfance. Son attachement méridional s’imprime sur ses recueils estampillés « Œuvres de Clément Marot de Cahors en Quercy, valet de chambre du Roy ». Il transpose des psaumes en vers et rimes, en offre le manuscrit à François Ier qui le fait mettre en musique sur des mélodies connues. Le succès est alors considérable. Plus tard, la publication de L’Enfer provoque la colère des autorités religieuses et va le contraindre à s’exiler à Genève où il rejoint Calvin, puis à Chambéry et Turin où il décède. 5 6 7 8

9°) Dans le LOT-ET-GARONNE, Jacques BOÈ dit JASMIN (1798-1864), poète et coiffeur agenais, triomphe en 1834 avec le poème « Mous Soubenis »Il est encensé par Nodier, SainteBeuve et glisse de l’inspiration politique aux histoires romanesques évoquant la vie des humbles. Pendant trente ans il donne des récitals, déclame des poèmes dans tout le Midi. Il est 6 le précurseur des Félibres et fréquente les plus grands de son époque comme Napoléon III, Lamartine. « Ò ma Lenga, tot me zo dit, Plantarèi una estèla sur ton front encrumit. » (Ô ma Langue me dit tout Je planterai une étoile sur ton front obscurci.)

10°) En LOZĖRE, Jean-Louis GUIN, à la fin du XIXe siècle, ouvrier aux mines de Vialas, perd la vue à la suite d’un accident et se consacre à l’alexandrin. Il s’inspire de l’histoire des Camisards de Franck Puaux, dicte et apprend par cœur 7000 alexandrins qu’il s’en va réciter dans les foyers des Hautes Cévennes.

11°) Dans les HAUTES-PYRÉNÉES, Christian LABORDE, le magicien des mots natif d’Aureilhan, a ressenti sa première émotion à la bibliothèque de Tarbes avec Verlaine, Pierre Reverdy, Valéry Larbaud. Il a redonné vie à Claude Nougaro qui disait de lui : « Il est mon frère de race mentale : c’est un poète, un homme qui parle une langue de couleurs, à délivrer les grands baisers de l’âme. » Cette langue de couleurs, Christian Laborde la fait sonner sur scène lors de « tchatcheries espatarouflantes » comme À la table des mots et lors de ses one-manshows Poulidor by Laborde et Nougaro by Laborde qu’il joue de Saint-Saturnin-lès-Apt à Pontivy, d’Albi à Carcassonne, de Paris à Saint-Lary. Citons parmi ses œuvres poétiques Congo, Lana-Song. Troubadour de l’Adour. Christian Laborde sait faire, à l’occasion, danser la langue avec ses compatriotes et amis du Sud-Ouest. Il est toujours en guerre depuis presque trente ans contre l’ennemi le plus dangereux qui soit, le désenchantement du monde. Il a été l’invité de la Compagnie des écrivains le 19 janvier 2013 où il a déclamé Plume d’ange de Nougaro avant de raconter la vie et l’œuvre du chanteur par le biais d’une vidéo.

12°) Dans les PYRÉNÉES-ORIENTALES, Michel DESTIEU, né en Lot-et-Garonne en 1958, est installé depuis quinze ans dans les P.-O. où il écrit sa poésie en occitan. Son recueil L’Estre a obtenu en 2011 le prix Paul-Froment en même temps que Chantal Fraïsse, de Moissac, pour son roman en occitan La bèstia de totas las colors.

13°) Dans le TARN, Jérôme CABOT, professeur de lettres à l’université Champollion d’Albi, spécialiste du langage et de l’analyse des discours, articule aujourd’hui sa recherche autour de la création et de la pratique du slam. En nocturne, il est parolier interprète de deux formations musicales : Double Hapax et Stentor.

14°) En TARN-et-GARONNE, Antonin PERBOSC (1861-1944), né dans une famille de métayers, devient instituteur et exerce longuement à Laguépie, puis à Comberouger en Lomagne de 1894 à 1908. Il s’intéresse à la poésie et ses premiers poèmes écrits en français illustrent des idées laïques et libertaires. Avec Prosper Estieu, son collègue du Lauragais, il s’attache « à un travail d’épuration et de reconstruction de la langue d’oc ». Tous deux sont à l’origine de la graphie normalisée de l’occitan, diffusée par l’Institut d’Estudis Occitans. L’œuvre poétique de Perbosc est lyrique, depuis Lo Gòt occitan, 1903 jusqu’au Libre del Campèstre, édition posthume par l’IEO, 1970. Il faudrait ajouter ses Contes, ses Livres des Oiseaux, ses Fablèls... Citons également son ami Théodore Calbet (1862-1949) qui a chanté le secteur de Grisolles en langue occitane. Mais il nous faudrait aussi citer bon nombre d’auteurs français… 9 11 13 14 7

En fait, dans notre belle Occitanie, tout est poésie, du texte des auteurs au geste de l’artisan. Le ciel est bleu, le vent conquérant, la nature luxuriante, la cuisine généreuse et conviviale et l’accent chantant. Comment ne pas être inspiré dans un tel décor ?

Andrée CHABROL-VACQUIER