Compagnie des écrivains de Tarn-et-Garonne

DUMAS fils ou l’anti-Œdipe

DUMAS fils ou l’anti-Œdipe

(d’après l’ouvrage de Marianne et Claude Schopp (éd. Phébus)

 

Personne n’ignore La Dame aux camélias, histoire tragique d’une courtisane abandonnée qui inspira à Verdi La Traviata. Mais qui connaît son auteur, Alexandre Dumas fils ? ce fut pourtant le plus célèbre dramaturge de son temps, aussi illustre alors que son père, créateur des Trois mousquetaires, à tel point qu’a circulé le plaisant adjectif de « dumafiste ».

 

Le nom DUMAS n’est qu’un pseudonyme adopté par le grand-père général, né Davy de la Pailleterie, le prénom étant commun à tous. Notre Alexandre tint à ce que le mot « fils » ne fût pas retranché de son nom, même après la mort de son père, d’autant plus qu’il était né hors mariage et en souffrait. Il naquit à Paris le 27 juillet 1824 d’une mère couturière, Louise Labay, séduite un soir par son voisin de palier qui menait une vie dissolue. Il ne laissa jamais tomber cette mère exemplaire qui ne se maria jamais. Son géniteur le reconnut officiellement le 17 mars 1831 ; il lui en voulut malgré tout beaucoup comme le montrent certaines de ses œuvres sur le thème de la désagrégation de la famille. Après un échec au baccalauréat, il devint un dandy très en vue, menant une vie tapageuse grâce à l’argent de son père et enchaînant les aventures.

 

De septembre 1844 à août 1845, il vit une histoire d’amour avec la demi-mondaine Marie Duplessis qui lui inspire l’écriture du roman La Dame aux camélias, écrit en 1848, quelques mois après la mort de la jeune femme. Le succès de ce livre lui ouvre une carrière littéraire tandis que celle de son père décline. Il devient l’ami de George Sand qu’il appelle sa « chère maman ». Il a une liaison avec la femme d’un prince russe : Nadajda von Knosring, dite Nadine, qu’il finira par épouser et aura deux filles en 1864 et 1867. Il aurait préféré avoir un 3ème Alexandre Dumas. En 1874, il est élu à l’Académie française et se lie avec Jules Verne. Il obtient des promotions dans l’Ordre de la Légion d’honneur (chevalier en 1857, officier en 1867, commandeur en 1888, grand officier en 1894).

 

En 1895, Nadine, de qui il était séparé, décède ; il épouse sa maîtresse Henriette Escalier (1851-1934) et meurt peu après, le 27 novembre 1895, à son domicile. Il est inhumé au cimetière parisien de Montparnasse.

 

On peut dire que sa vie a été bien remplie dans tous les domaines. Il s’est distingué avec l’écriture de La Dame aux camélias dont le théâtre s’empara, mais il a écrit de nombreux romans et contes parmi lesquels Césarine, Antonine, Le Roman d’une femme, Diane de Lys, Un père prodigue, etc., des essais : L’Homme-femme, La question du divorce, etc., des poèmes.

Sur le plan du théâtre, il a collaboré avec George Sand, Émile de Girardin, son père, etc.

 

Tout le poussait à détester ce père : sa naissance d’enfant naturel, leur rivalité d’écrivains, leur caractère différents. Mais il l’aimait et cet amour était réciproque. Il le protégeait et l’aidait financièrement jusqu’au moment où la situation devenant catastrophique à cause d’une vie agitée, il prit ses affaires en main. L’enfant rebelle dans sa jeunesse se révéla être un anti-Œdipe : protecteur de celui qui l’avait mis au monde, ce « grand enfant qu’il eut tout petit ».

 

Comment expliquer la célébrité posthume de l’auteur des Trois Mousquetaires et l’oubli du père de La Dame aux camélias ? On ne se rappelle bien souvent que du premier au point de lui attribuer le chef-d’œuvre du second. Pourquoi ?

 

P.S. : Marie Duplessis avait été baptisée la « Dame aux camélias » par sa fleuriste. Dans Le Nouvel Observateur du 1er février 2018, il est fait allusion au château de Port-Marly bientôt baptisé « Château de Monte Cristo » que se fit construire Alexandre Dumas père dans une période faste. Il est précisé qu’il va devenir l’Hôtel Monte Cristo, « un établissement qui s’inscrit dans le XIXe siècle et qui a pour thème l’écrivain A. Dumas », nouvelle preuve de l’oubli dans lequel est tombé le fils.

 

Andrée CHABROL-VACQUIER